Les aventures extraordinaires de Saïd le Peptimiste

Roman de Emile Habibi traduit de l'arabe par Jean-Patrick Guillaume

 

Emile Habibi, qui n'a jamais cessé de militer aux prix de mille sacrifices (l'écrivain a connu à maintes reprises les affres des prisons israéliennes) pour une Palestine libre.

En 1974, il publie son œuvre la plus importante de par sa maturité politique et artistique, Les aventures extraordinaires de Saïd le Peptimiste, traduite dans de nombreuses langues, dont le français, où déjà le choix du thème et du titre, dans son ironie impitoyable, démolit d'un coup d'épingle toute la propagande israélienne. "Lorsque je décidai de ne plus être un imbécile, je ne dis pas au Grand Homme ce que je pensais de son appareil ultramoderne". C'est ainsi que pense le héros de ce roman. Un héros qui n'est qu'un maillon du combat quotidien des masses palestiniennes. Un héros qui fait sienne l'idée du philosophe Hume : "Si nous n'avions pas de mémoire, nous n'aurions jamais eu la moindre notion de la Cause..."

Dans ce roman, Emile Habibi a aussi défié toutes les formes romanesques conventionnelles, ce qui n'est pas le moindre des facteurs. Par cette œuvre, Emile Habibi a créé tout un univers esthétique et a révolutionné la forme du roman arabe moderne qui était "occidentalisée" jusqu'alors. Mais au-delà de la forme, cette œuvre est surtout "prophétique" dans l'histoire littéraire palestinienne et dans l'Histoire tout court ! "Celui qui ne veut pas rester sur son pal n'a qu'à descendre avec nous dans la rue. Il n'y a pas d'autres solutions !" Quelle vision ! Quelle prophétie ! Il a fallu plus de quinze ans pour que ce mot d'ordre d'Emile Habibi soit enfin exécuté par les masses ! Mais qu'importe, "il n'est jamais trop tard pour bien faire". Emile Habibi, en écrivain authentiquement patriote visionnaire, a toujours cru en ces masses et a toujours su que "quand ce nuage sera passé, le soleil se lèvera"

DJILALI KHELLAS, el Watan, oct 2005

 

Le plus grand écrivain palestinien, Emile Habibi, est mort jeudi à l'âge de soixante-quatorze ans.

C'est dans les colonnes "d'al-Ittihad" que l'écrivain publia, en feuilleton, en 1974, le roman qui allait le rendre célèbre et faire de lui l'un des écrivains les plus appréciés du monde arabe : " les Aventures extraordinaires de Saïd le peptimiste ". Le peptimiste, contraction audacieuse et pleine de dérision d'optimiste et de pessimiste, c'était lui. Jamais, malgré les "catastrophes" successives qui s'étaient abattues sur son peuple, il n'avait tout à fait désespéré de voir un jour vivre côte à côte sur cette terre disputée un Etat palestinien et un Etat israélien. Et lorsque, en 1992, il s'était vu attribuer le plus grand prix littéraire national israélien, le prix Israël, il l'avait accepté, malgré remous et critiques, voyant dans ce geste le signe qu'une solution du conflit était proche. Mais il avait remis le montant du prix à une fondation pour les victimes de l'Intifada. Il s'enorgueillisait d'être le seul écrivain à avoir reçu à la fois le prix El Qods, que lui avait remis en 1990 Yasser Arafat, et le prix Israël. Un espoir à la réalisation duquel il a grandement contribué, comme militant infatigable et comme écrivain.

FRANÇOISE GERMAIN-ROBIN, l'Humanité, mai 96.