L'impasse de Bab Essâha

Roman de Sahar Khalifa traduit de l'arabe par Youssef Seddiq et Mohamed Maouhoub

Ce roman a pour cadre un quartier de la ville de Naplouse, en Cisjordanie occupée par l'armée israélienne. Ses héros sont trois femmes : Sitt Zakia, la vieille accoucheuse, Samar, la jeune diplômée, et Nouzha, dont la mère a été assassinée par les combattants palestiniens parce qu'elle était accusée de collaborer avec les Israéliens. Le neveu de Zakia, blessé lors d'un affrontement, se réfugie chez Nouzha et cette dernière, rejetée par tous, va peu à peu regagner sa place dans la communauté et aider elle aussi les combattants.

Au fil des discussions et des récits de ces femmes apparaît la vie des Palestiniens dans ce pays mis en coupe réglée par l'armée israélienne, où chaque jour est marqué de descentes militaires, avec les ratissages, les fusillades, les morts que cela signifie. La guerre commande la vie sociale. Dès l'âge de douze ans, les garçons gagnent les montagnes pour se cacher entre deux attaques contre les soldats israéliens. Arrestations, perquisitions, coups, tirs contre les habitants de l'impasse soupçonnés de protéger les jeteurs de pierre (et ils le font presque tous), destruction de leur maison, tel est le quotidien des habitants de Bab Essaha, dont le quartier est muré par un portail censé permettre de mieux les contrôler.

Mais ce petit livre décrit aussi de façon poignante la condition des femmes palestiniennes, qui subissent non seulement la guerre mais encore le mépris et l'oppression de la part des hommes de leur propre communauté. Quel que soit leur âge et quelle que soit leur compétence, elles sont à l'entière merci des hommes, père, mari, fils, cloîtrées, battues, répudiées, reléguées leur vie entière au rôle de « bonne sans salaire » selon les paroles que l'auteur met dans la bouche de l'une de ses héroïnes. Les combattants palestiniens mènent certes un combat terrible pour le droit d'avoir leur propre Etat, mais ce combat n'inclut nullement au nombre de ses objectifs la reconnaissance des droits des femmes et leur émancipation.

En quelques pages émouvantes, l'auteur dénonce ainsi l'oppression des femmes palestiniennes et souligne du même coup l'un des aspects les plus réactionnaires des organisations politiques palestiniennes, qui dirigent le combat contre l'Etat et l'armée d'Israël.

Marianne LAMIRAL, LUTTE OUVRIERE HEBDO, juin 2001